Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog


RETROUVER LE NOUVEAU TADORNE SURWWW.FESTIVALIER.NET

18 octobre 2010 1 18 /10 /octobre /2010 09:17

Le Théâtre du Merlan est une Scène Nationale, dirigé par Nathalie Marteau. Situé au nord de la ville dans le centre commercial Carrefour, cet établissement culturel peine depuis quelques saisons à s’implanter dans le quartier comme en témoignent ses nombreux « vagabondages » et l’incohérence de sa programmation (voir l'article à ce sujet du 12 juin 2009).

L’expression « vagabondage », empruntée au vocabulaire des travailleurs sociaux pour désigner ceux qui n’ont plus de domicile fixe, sert la politique de communication de ce théâtre.  Le territoire est ici vu comme un terrain de jeu où l’errance fait sens. Chacun appréciera. Le Merlan vagabonde, se «délocalise » à la Friche Belle de Mai, au muséum d’Histoire Naturelle, au Théâtre du Gymnase. Il y installe parfois des chapiteaux (malgré les promesses, à sa réouverture suite à des travaux, d'en faire "une maison ouverte commune à tous, un camp de base". A écouter l'interview sur France Info). Qu’est-ce qui justifie socialement et artistiquement de tels déplacements que l’on suppose fort coûteux ?  Le cynisme va jusqu’à programmer le collectif Berlin (qui propose des portraits de capitales à l’articulation du documentaire et du théâtre) loin des quartiers nord alors que l’on serait en droit d’attendre du Merlan qu’il relie les habitants au reste du Monde…
Ce théâtre connaît une deuxième difficulté, plus structurelle : sa programmation. Certains, par paresse intellectuelle, la jugent éclectique. Programmer « Description d’un combat » de la chorégraphe Maguy Marin en 2009 puis une « Semaine de la magie » en octobre 2010 (« magic week »…sic), serait une preuve d’ouverture et de curiosité. Sauf que cette diversité est au service d’une politique de communication (le Merlan est «branché») mais dessert tout projet visant à créer des liens durables avec les habitants. Comment leur proposer des traversées dans une programmation qui érigent des murs au lieu de passerelles, qui multiplient les esthétiques pour finalement composer un labyrinthe? Comment guider le  public en lui offrant coup sur coup danse contemporaine et formes spectaculaires ? Là où la danse ne fait pas spectacle, la magie s’appuie sur les ressorts du spectacle (elle fait même un retour en force à la télé…cf.« Vivement dimanche » sur France 2). À la culture du divertissement qui finit par pervertir la société française, une Scène Nationale devrait proposer une programmation certes diverse, mais au service d’une vision. Comment le public peut-il entrer en communication avec une équipe artistique qui lui enlève toute possibilité de s’émanciper de la société du divertissement ?
Deux difficultés qui bien évidemment produisent des incidents. Le premier eut lieu en février 2009 avec le chorégraphe Alain Buffard. La programmation de «  (Not) a love song »,  déconnectée d’une politique globale de relation avec les publics, a provoqué une « crise » avec les spectateurs. Dénonçant les rires au début de la représentation, Alain Buffart fit expulser de la salle un groupe de jeunes sans que la directrice du Merlan n’y trouve rien à redire...(à lire le compte-rendu du journal La Marseillaise).
Le deuxième incident, bien plus inquiétant, a eu lieu début octobre 2010, après la programmation pour deux soirées de P.C. Sorcar Jr., « la plus grande figure de la magie orientale ». Face au fiasco artistique, Nathalie Marteau propose de rembourser les billets au public mécontent (voir le courrier en fin d’article). Dans sa lettre, elle précise que le risque est partagé (je suis d’accord sur ce point…toute programmation implique une prise de risque du programmateur et du spectateur), que le spectacle génère de «la frustration» (c’est souvent la fonction de la création contemporaine de ne pas répondre aux attentes !). Et que propose-t-elle ? Un remboursement comme le ferait un commerçant ("Satisfait ou remboursé")! Pourtant, après la crise de l’intermittence, cette direction affirmait que « la culture n’était pas une marchandise". Le cynisme est à son comble lorsque pour s’excuser, Nathalie Marteau reporte la faute vers les artistes (ils ont eu carte blanche) et se pose en victime au même titre que les spectateurs. Pour devancer la critique, elle disqualifie les artistes, s’exclut du processus, dilue la responsabilité et se repositionne à partir d’un geste « risqué » pour les finances publiques, mais tellement généreux. Cela ne vous rappelle-t-il rien ?
Quelle vision a donc le Merlan de sa relation avec les spectateurs pour proposer ce remboursement ? Comment s’articule-t-il avec le travail des chargés de relation avec le public qui travaillent probablement dans la durée, l’inclusion des habitants dans un lien à la culture non marchande?

Le remboursement est la conséquence d’une politique de communication ; en aucun cas, d’un projet culturel global. 
Le Merlan justifie-t-il son label de Scène Nationale ? Remplit-il au moins trois missions :
-  "s'affirmer comme un lieu de production artistique de référence nationale, dans les domaines de la culture contemporaine
-    organiser la diffusion et la confrontation des formes artistiques en privilégiant la création contemporaine,
-     participer dans son aire d'implantation (voire dans le Département et la Région) à une action de développement culturel favorisant de nouveaux comportements à l'égard de la création artistique et une meilleure insertion sociale de celle-ci"
Ces trois missions sont incompatibles avec un lien "producteur - consommateur" entre le théâtre et le public. Elles requièrent une relation respectueuse, permettant à chacun d’évoluer au grès des propositions exigeantes, pour s'éloigner des formes spectaculaires qui figent.
Le Merlan est aux mains de communicants. Il est grand temps de le doter d’un projet global. Loin d’être une formule magique, c’est une exigence.

Au vagabondage, préférons la divagation…
Pascal Bély - www.festivalier.net

 

Lettre de Nathalie Marteau aux spectateurs:

"Madame, Monsieur, Chers spectateurs,

Le spectacle vivant est une chose fragile, pas toujours prévisible, et qui peut même parfois nous décevoir. Cela fait partie du risque, que nous partageons avec vous, public.

Mais les soirées indiennes des 8 et 9 octobre de P.C. Sorcar, proposées par la compagnie 14:20 dirigée par Raphaël Navarro, à qui nous avions donné carte blanche, ne furent pas à la hauteur de ce qui avait été annoncé.
Nous reconnaissons avec vous que les 15 minutes de magie présentées ne font pas un spectacle, et face à cette situation exceptionnelle, nous nous engageons à rembourser toutes les personnes qui en feront la demande auprès de la billetterie au 04 91 11 19 20 (du lundi au vendredi de 13h a 18h). 
Nous nous adressons particulièrement à ceux qui venaient pour la première fois au Merlan et nous espérons qu'ils n'en resteront pas à cette désagréable impression de frustration.
Toute l'équipe du Merlan se joint à moi pour vous souhaiter de belles soirées à venir et restons à votre disposition.
Nathalie Marteau, directrice"

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

L
<br /> <br /> Décidément le Merlan peine à communiquer sur les faits...<br /> <br /> <br /> 1) combien de spectateurs pour le collectif Berlin installé à la Friche et à la Major (pas besoin d'attendre la fin de l"année...il suffit d'aller sur votre logiciel de billeterie...faut arrêter<br /> de prendre les gens pour des imbéciles)<br /> <br /> <br /> 2) Combien coûte à la collectivité l'erreur de jugement artistique du Merlan à propos du spectacle raté de magie indienne? <br /> <br /> <br /> Mes deux questions ne sont pas compliquées.<br /> <br /> <br /> De tels manquements en région parisienne et vous auriez la presse au derrière.<br /> <br /> <br /> Ici, à Marseille, vous n'avez qu'un blog (ne le prenez pas mal pascal...)<br /> <br /> <br /> et on veux être Capitale européenne de la culture? Il va falloir changer de braquet car dans deux ans c'est la presse internationale que vous aurez aux basques...<br /> <br /> <br /> en tout cas, on est un certain nombre de spectateurs à ne pas lâcher l'affaire...<br /> <br /> <br /> lolo<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> <br /> monsieur,<br /> <br /> <br /> Sans vouloir vous offenser, il y a comme un décalage entre ce que je ressens et votre perception. loin de savoir qui a raison ou tord, vous devriez réflechir sur cet écart. c'est après tout votre<br /> métier; car là, j'ai l'impression de m'adresser à un responsable de la communication d'Areva ou de Total!!<br /> <br /> <br /> bien cordialement<br /> <br /> <br /> maryse<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
C
<br /> <br /> Une petite précision Maryse, je m'appelle Christopher et je m'occupe de la communication au théâtre du Merlan. Cela étant dit : Ma présence sur ce blog, au-delà de l'intérêt personnel que j'y<br /> porte, est également une manière d'établir le dialogue avec DES "spectateurs précieux", et M. Bély, comme tout spectateur sera accueilli dans nos murs tout naturellement (même si je pense avoir<br /> plus de chance de le croiser dans d'autres lieux...). Loin de moi l'idée de "botter en touche", je tente quelques précisions sur les activités du Merlan. Je ne pense pas que le fait de programmer<br /> un vagabondage à la Friche soit une insulte aux gens du quartier. La grande majorité de la programmation de ces dernières années ayant eu lieu au théâtre (cette saison également), je me permets<br /> de vous renvoyer à la programmation de nombreux vagabondages au sein des quartiers Nord (Membros, Safi, Ici-Mêm(Gr), Moglice Von Verx, Vibrations...), sans compter les ateliers et stages qui s'y<br /> déroulent, gratuits et ouverts à tous. Nous pourrions noter également, au-delà de l'atelier de programmation cinématographique que nous co-organisons avec l'ADDAP13, l'existence d'un ciné-club de<br /> quartier que nous mettons en place au Merlan avec un certain nombre de nos partenaires locaux... Bref notre action est multiple, et l'équipe est très engagée dans TOUS ces processus.<br /> Et je pense, que ce sont ces différentes actions qui permettent la réelle mixité de notre/nos public(s). Même si cela ne fonctionne pas toujours, soit ! (je me permets d'ailleurs de répondre à<br /> Chloé - commentaire n°6 - que ce qui fait sens, ce n'est effectivement pas de "mettre des jeunes des quartiers dans une salle de théâtre", mais qu'ils y viennent ! Et c'est le cas). Et d'ajouter,<br /> si une partie de notre public est "branché" (?), et bien tant mieux ! Car il est aussi, grand bourgeois, étranger sans papier, étudiant sans justificatif, nouveau riche, handicapé en tout genre,<br /> mondain égocentrique, RMIste bien-heureux (ou pas), bref de vrai gens quoi... Cela ne peut-être que le fruit du travail en profondeur d'une équipe, et j'oserais, M. Bély : d'un projet.<br /> <br /> ps : sans vouloir vous flatter, très bel objet que votre blog, M.Pack<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> <br /> je n'ai pas le souvenir qu'un média critique ainsi un lieu culturel à Marseille où règne l'omerta. Je salue pascal Bély pour son courage (car je pense qu'il en faut...comment sera-t-il accueilli<br /> au Merlan?). Je lis son blog depuis longtemps; c'est un homme exigeant pour lui et les artistes. C'est le seul média qui pose la question de la place du spectateur avec originalité. Comment le<br /> Merlan peut-il se priver de ce regard?<br /> <br /> <br /> J'haibte marseille et je sais que le MErlan ne va pas bien depuis quelques temps. Je n'y vais plus car j'ai l'impression qu'il est réservé aux branchés. mais que doivent ressentir les gens du<br /> quartier à voir leur théâtre fermé pour s'ouvrir à la friche; n'est-ce pas une insulte que le Merlan leur fait?<br /> <br /> <br /> je suis vraiment triste de ce qui arrive à ce théâtre car j'avais espoir en cette directrice créative, au look un peu décalé. et puis c'est une femme...<br /> <br /> <br /> mais là, je ne comprends plus rien.<br /> <br /> <br /> et je ne sais plus quoi proposer (d'ailleurs on ne me demande rien!)<br /> <br /> <br /> petit message à monsieur pack: j'aime ce qu'il écrit et la façon dont il tente d'apaiser les choses et de réorienter le débat; mais sans vouloir vous vexer monsieur franck (d'apres ce que je<br /> comprends, vous êtes le sous directeur), je trouve que vous ne cessez de botter en touche en niant la crise que traverse le théâtre;<br /> <br /> <br /> je vous invite à renouer le dialogue et à ne pas perdre ce spectateur précieux quej'ai eu la chance de rencontrer l'été dernier à Avignon.<br /> <br /> <br /> bien  à vous,<br /> <br /> <br /> maryse roland.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
N
<br /> <br /> Puisqu'il est question de chiffres, pourrions-nous connaître les chiffres de fréquentation de la directrice dans son théâtre (et donc dans le quartier du Merlan) ? Nous sommes en<br /> droit de nous poser vraiment la question de la maîtrise du projet artistique par l'équipe de direction en général et de la directrice en particulier. La maîtrise d'un projet sous-entend aussi<br /> d'assumer ses choix artistiques sans se poser en victime devant les critiques.<br /> <br /> <br /> Il semble que le Merlan ait choisi la solution de facilité : les effets de communication plutôt qu'un travail artistique cohérent !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
Répondre