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RETROUVER LE NOUVEAU TADORNE SURWWW.FESTIVALIER.NET

19 décembre 2012 3 19 /12 /décembre /2012 12:11

Si vous êtes sur Facebook, vous aurez peut-être constaté une invasion de sapins de Noël sur votre page, le tout accompagné de formules pour le moins dérangées: «Odéon : c’est bientôt Nawel» ou «le petit sapin de l’Odéon…avant le grand!» (voir la photo ci-dessous). Mieux encore, en plus chic, «comme un parfum de Noël au Théâtre de la Ville…il semblerait que le Père Noël ait pris un peu d’avance sur sa distribution» (notez le joli jeu de mots théâtral…). La région n’est pas en reste puisque le TNP de Villeurbanne nous gratifie de sept photos avec en légende, une formule sobre qui sent la guirlande : «le sapin de Noël est installé!»

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On pourrait trouver ces messages sympathiques (ils le sont probablement), en phase avec le mois, mais aussi avec l’époque: l’important n’est pas le fond de ce qui est communiqué, mais l’acte de communiquer. Facebook est à ce titre, un outil idéal. Ainsi, les salariés des théâtres ressentent le besoin de se relier autrement avec le public tant leurs marges de manœuvre semblent étroites.

Les places (rares) sont achetées sur internet et les travailleurs culturels font l’objet d’agressions surtout quand la pénurie s’installe. Le «chacun-pour-soi» de la part de certains spectateurs est un rouleau compresseur au détriment de la qualité de la relation. Les médiations autour du spectacle vivant offrent bien peu d’opportunités de renouveler le genre même si fleurissent, ici ou là, des ateliers créatifs. Ce sapin est donc le symbole d’une certaine solitude de ce personnel souvent invisible, caché derrière les égos démesurés de leur direction.

Posté ainsi sur Facebook, le sapin fait misérabiliste: isolées, les équipes communiquent sur ce rituel comme si nous appartenions à la même famille. Cette «proximité» démontre à quel point les structures culturelles peinent à sortir d’un lien factice avec les spectateurs: leur page Facebook informe la plupart du temps sur l’envers du décor (ici le sapin, là les peintures que l’on refait, ailleurs le camion de la troupe stationné dans la rue) pour mieux masquer l’impossibilité de changer la relation. Le milieu du spectacle vivant est englué dans les codes de la communication consumériste qui entretiennent le lien consommateur-producteur. Si bien qu’aucune page Facebook ne fait mention des enjeux politiques de l’art; aucune n’est conjointement gérée par les spectateurs; aucune n’est un espace démocratique pour interroger les choix de programmation. Aucune n’est en phase avec l’esprit d’un réseau social: elles ne sont qu’un fichier amélioré pour diffuser de l’information.

Facebook n’est donc qu’une vitrine. Le sapin donne une piètre image de ce que sont les théâtres aujourd’hui: des lieux où à la solitude des uns fait écho à la perte du sens des autres tandis que quelques-uns osent poser la question, quitte à passer pour de méchants empêcheurs de guirlander en rond: pour quoi ce sapin?

Pascal Bély – Le Tadorne.

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22 novembre 2012 4 22 /11 /novembre /2012 23:21

On devrait pouvoir évaluer festivals et lieux culturels sur leur politique d’accueil. On s’apercevrait que certains sont tout juste du niveau d’une Sécurité Sociale des années quatre-vingt.

Je travaille depuis six heures du matin. J’ai eu une longue journée où j’ai animé un séminaire important. Il est 20h15 et je décide de me rendre au festival DANSEM à Marseille, soit 30 minutes de route pour assister la dernière création de Manon Avram et Thierry Escarmant, «Qu’avez-vous vu ?». Cette compagnie est soutenue par la DRAC PACA pour qui je suis un expert danse lors de l'attribution des subventions. Il me faut donc voir ce spectacle: malgré la fatigue, j’en ai envie.

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J’arrive à la Friche Belle de Mai à Marseille vers 20h45. Aucun affichage visible et lisible. Seuls les habitués connaissent le lieu. La salle est en contrebas. Devant la porte, tout au plus 10 personnes. Je reconnais des professionnels. J’attends. Puis une cohorte de spectateurs d’une autre représentation rejoint la file. J’attends. A l’entrée : «la billetterie n’est pas ici. C’est plus haut, au restaurant». Je cours. J’arrive à l’accueil, essoufflé :

- «Trop tard, le spectacle a commencé» me dit-elle, visiblement inquiète.

- «Ben non puisque l’on me dit de venir ici»

- «Trop tard, le spectacle a commencé» répète-t-elle, avec probablement la peur de se faire sanctionner si elle cause du retard.

- «Mais puisque l'on me dit de venir ici».

…/….

Colère. Colère.

Finalement, je sors. Elle me rattrape pour me donner un ticket, sans un mot, presqu'à la sauvette...

Je descends. La porte est fermée. Je frappe. Un agent de sécurité me laisse aimablement entrer. Le spectacle n’a pas commencé.

- «Pourquoi tu le laisses entrer » dit un homme avec un ton méprisant à l’égard de l’agent.

- «Le spectacle a commencé» me dit-il.

- «Ben non, puisque j’entends les spectateurs ».

- «Le spectacle a commencé» répète-t-il face à l’agent de sécurité médusé.

Je quitte la Friche. Dépité.

Cette scène est symbolique à plus d’un titre. Si vous n’êtes pas un habitué, vous vous perdez. Métaphore d’un festival replié sur son réseau de spectateurs. Le cloisonnement entre le lieu de la représentation et la billetterie en dit long sur l’approche de l’accueil: c’est une procédure où l’on distribue des tickets, où l’on stabilote à plusieurs derrière la banque. Mais où est la relation ?

Il n’y a aucune souplesse, seule la règle prime et la peur qui l'accompagne. N’ont-ils jamais imaginé qu’un spectateur pouvait ne pas avoir de billets à l’entrée? N’ont-ils jamais pensé une procédure pour éviter un stress commun, pour faire plaisir? Sont-ils à ce point sur le pouvoir pour ne pas faire confiance à un spectateur qui vient pour la danse, un jeudi soir, à Marseille? Sont-ils à ce point insensibles pour ne pas savoir que le désir de rencontrer des artistes vaut bien d’attendre de déchirer un ticket?

Ce soir, un lieu culturel m’a fermé la porte. Combien sommes-nous symboliquement dans ce cas-là ?

Pascal Bély – Le Tadorne.

 

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6 novembre 2012 2 06 /11 /novembre /2012 06:52

Le marketing culturel a gagné. Insidieusement, il subordonne le qualitatif à l’audimat, à une rengaine qui résume à elle seule la pensée politique: «qu’importe la manière, l’important est de toucher le plus grand nombre» ; «si la venue d’une star doit faire venir du public, alors qu’importe qu’elle ne soit pas la meilleure», avons-nous lu sur Facebook à propos d’Emmanuelle Beart qui sera au Palais des Papes en juillet 2013.  Ce marketing s’est inspiré des codes de la communication télévisuelle pour soumettre les professionnels du spectacle vivant à une forme de raisonnement binaire: pour toucher le grand public, il faut l’assujettir. Difficile, pour le spectateur, de percevoir les véritables enjeux qui se cachent derrière le slogan de «l’ouverture à la diversité du public» à travers l’accession aux médias dits populaires. Difficile, car de l’ordre du non-dit, du refoulé, masqué par l’étiquette du «théâtre pour tous». Cache-sexe, en réalité… d’enjeux bien plus prosaïques: ceux renvoyant sans doute aux conditions matérielles de travail des artistes et de productions de leurs spectacles.

Le meilleur exemple nous a été donné par le chorégraphe Olivier Dubois. Cet été, au Festival d’Avignon, il a accompli un miracle: «Tragédie» fut ovationné. Pensez donc: une œuvre de plus d’une heure quarante, avec 18 danseurs, nus, pour célébrer l’Humanité en résistance! Pièce dans laquelle Olivier Dubois lève le voile, exhibe toute son intelligence des corps et du mouvement! Et qui repose sur un parti pris esthétique radical: composer un poème chorégraphique savamment agencé, ordonnant les gestes des danseurs tels des rimes textuelles, sans pour autant perdre la force brute de corps comme jetés en pâture aux désirs du public. Une pièce, enfin, qui joue de la faille entre la condition physique d’être humain et l’appel à un au-delà: la recherche d’une Humanité. Une transe, une jouissance des sens et de l’esprit. Las, post coïtum

...quelques mois après, Olivier Dubois part en promotion. En France, cette pièce est programmée à Pontoise, Martigues, Mâcon, Villeneuve-d'Ascq. Puis deux dates à Paris, au 104. C’est peu et c’est tout. Alors donc, Olivier Dubois entame une tournée promotionnelle à la télévision. D’abord sur France 2, dans «Des mots de minuit». Inutile de revenir sur les questions sans grand intérêt du journaliste Philippe Lefait qui semble préoccupé par la «sueur» et le cout de la production du spectacle (s’inquiète-t-il de la même manière pour le cinéma et le théâtre?). Décidément, la danse est  toujours illégitime. A la rigueur, on la sollicite comme caution intellectuelle ou comme aphrodisiaque lorsqu’il s’agit d’encanailler les esprits noyés dans l’ennui le plus profond. Sur le plateau, Michel Blazy, artiste plasticien, n’a «rien» à dire à Olivier Dubois après avoir visionné les images du spectacle. L’équation selon laquelle la danse, la révolution, le sexe et un présentateur barbu qui mâchouille ses lunettes semble être amplement suffisante pour mener à bien l’opération marketing. Peu importe la vacuité et l’ennui, pourvu qu’on additionne. D’ailleurs, Olivier Dubois ne se prive pas de renvoyer à Philippe Lefait qu’être danseur, c’est être «une pute de l’art avec savoir, élégance et conscience». Bien vu.

Rien de plus normal à ce qu’il continue à faire la pute (qu’il nous excuse cette familiarité) dans l’antre du proxénétisme le plus légal. Quelques jours après, ce sera au tour de Canal Plus dans l’émission du Grand Journal. Non qu’il soit invité en plateau… «Tragédie» est massacré dans un format minimaliste («la Short list») où plus c’est court, plus c’est con. À 1’15, vous pouvez entendre Olivier Dubois faire la réclame (ses phrases n’excédent pas 3 secondes !) avec une expression culte que ne manqueront pas de s’emparer les communicants des théâtres en recherche de slogan pour attirer le chaland : «Tragédie n’est pas tragique» (sic) tandis que le commentateur en rajoute dans l’excès : «Olivier Dubois provoque le spectateur» (qu’en sait-il, lui qui n’a probablement pas vu «Tragédie»). À 1’53, c’est terminé. À peine 38 secondes pour massacrer un propos et insulter les spectateurs d'Avignon et d'ailleurs. Un doute surgit alors: et si «Tragédie» n’était qu’un savant calcul pour relier le spectaculaire au marketing et servir son promoteur, lui qui sait si bien provoquer le peuple tout en l’attirant à son beau panache.

«Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse?». Ce romantisme noir confine au cynisme, surtout quand on dépasse le champ de la scène. Si être un artiste c’est être une catin, la transe suscitée par la beauté des corps en convulsion, sur scène, ne peut être mise sur le même plan qu’une démarche strictement commerciale. D’ailleurs, une geisha ne se départit jamais de son raffinement et ne s’adonne pas systématiquement à la prostitution. Si l’ivresse ou la jouissance sont recherchées par un créateur, si la question de la diffusion d’une œuvre mérite d’être posée, surtout dans un contexte défavorable, comme c’est apparemment le cas pour "Tragédie" ; n’oublions pas pour autant ces bons mots de Musset, encore lui :

 «Puisque c'est ton métier, misérable poète,

Même en ces temps d'orage, où la bouche est muette,
Tandis que le bras parle, et que la fiction
Disparaît comme un songe au bruit de l'action ;
Puisque c'est ton métier de faire de ton âme
Une prostituée,  et que, joie ou douleur,
Tout demande sans cesse à sortir de ton cœur ;
Que du moins l'histrion, couvert d'un masque infâme,
N'aille pas, dégradant ta pensée avec lui,
Sur d'ignobles tréteaux, la mettre au pilori.»

C’est ainsi que la télévision rassemble autour d’elle ceux qui sont prêts à réduire leur art à des slogans et les paresseux de tout poil pour qui faire entrer les spectateurs dans un théâtre nécessite d’utiliser les codes du marketing le plus abject. Dit autrement, la forme ne serait plus connectée au fond. Cette union sacrée nous inquiète, car ce processus s’amplifie (il suffit d’entendre chaque année les directeurs du Festival d’Avignon -et bien d'autres- ne faire qu’un bilan quantitatif de leur programmation). 

L’art risque donc de n’être qu’une marchandise. Précisément l’inverse de la démarche artistique proposée dans "Tragédie".

Désolé, mais nous n'accepterons jamais d’être client pour une passe, fut-elle un chef d'oeuvre d’une heure et quarante minutes.

Pascal Bély et Sylvain Saint-Pierre – Tadornes

La critique de "Tragédie" sur le Tadorne: Au Festival d'Avignon. Secoué.

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27 juillet 2012 5 27 /07 /juillet /2012 09:28

L’heure du bilan du Festival d’Avignon n’est pas encore venue…Mais un fait s’impose. Je n’ai pas écrit sur tout ce que j’ai vu. Et pour cause.

 

Je n’ai pas écrit sur «My fait Lady, un laboratoire de langues» de Christoph Marthaler. J’ai pourtant hurlé de rire pendant près de deux heures. Mais ma joie était un cache-misère. Le sens de cette pièce a glissé à l’image de cette scène où une actrice descend l’escalier sur la rampe…Était-ce bien opportun d’inviter une fois de plus Christoph Marthaler au festival ?

 
Je n’ai pas écrit sur «L’orage à venir» de Forced Entertainment. J’ai pourtant hurlé de rire pendant deux heures. Mais ma joie était un cache-misère. Le sens de cette pièce a glissé à l’image de cette scène où une actrice ne cesse de disparaître derrière le piano alors qu’elle veut danser…Était-ce bien opportun d’inviter cette troupe probablement conseillée par Simon McBurney, artiste associé du festival ? 
Fini de rire.                                                             
Je n’ai pas écrit sur «Ch(ose)» et «Hic Sunt Leones» de Sandrine Buring et Stéphane Olry. Être enfumé ainsi au sens propre comme au sens figuré, brouille définitivement la vue pour écrire…
 
Je n’ai pas écrit sur «W/GB84» de Jean-François Matignon parce que j’ai déjà beaucoup donné pendant ces deux heures et quarante minutes d’un naufrage théâtral où l’Angleterre Thatchérienne vue par David Peace se noie dans le Woyzecck de Büchner. 

Je n’ai pas écrit sur «Est-ce que tu dors ?» de Katya et John Berger.  Cette proposition de médiation culturelle au musée est obscène. Le père la fille ne se rendent même pas compte que leur dissertation d’un niveau terminale sur l’œuvre d’Andréa MantegnaLa chambre d’amour») ne vise finalement qu’à se coucher dans le même lit. Personne n’a quitté la Chapelle des Pénitents Blancs pour autant… 

Je n’ai pas écrit sur «Ten Billion» de Katie Mitchell et Stephen Emmot. Que puis-je en dire ? Faire le compte-rendu de la conférence d'un chercheur? Je ne sais pas écrire s’il n’y a pas d’acteur, pas de dramaturgie. Katie Mitchell pense que l’art n’a plus rien à dire face  à la catastrophe écologique qui s’annonce. Soit. Qu’elle change vite de métier… 

Fini de se scandaliser.

Je n’ai pas écrit sur "15%" de Bruno Meyssat. Pourtant, j’étais déterminé à le faire. Mais cette vision poétique de la crise de subprimes m’a épuisé tant j’ai cherché le sens de chaque image, de chaque tableau. Tout s’est empilé sans que je puisse trouver une trame dramaturgique qui m’aurait aidé à écrire. Bruno Meyssat et ses acteurs ont beaucoup travaillé pensant probablement que nous étions aussi en recherche sur le sens de cette crise. À une nuance près…nous n’y comprenons rien.

 
Je n’ai pas écrit sur «Disgrâce» de Kornel Mundruczo. Pourtant, j’étais déterminé à le faire. Pourtant la trame dramaturgique y était. Mais, je n’ai pas été touché par ce regard en biais sur la situation de la Hongrie à partir du roman sud-africain, «Disgrâce» de J.M. Coetzee. C’est une très belle mise en scène, percutante…Mais ma méconnaissance du roman m’a probablement empêché de repérer les subtilités de la mise en scène.
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Je n’ai pas écrit sur «Le berceau de l’humanité» de Steven Cohen. L’occupation du plateau par les objets éloigne du sens, car elle met à distance la relation très forte entre l’artiste et sa «nounou» de quatre-vingt-douze ans présente sur la scène. Parce que Steven Cohen a des «tics» de performeur qui sèment le doute sur sa sincérité. Parce que le théâtre est fragile et qu’il se doit de faire attention avec ses gros sabots…
Je n’ai pas écrit sur l’exposition, «Soyez les bienvenus» de Fanny Bouyagui. Victime de la surmédiatisation des sans-papiers, Fanny Bouyagui documente trop à partir d’entretiens vidéo là où j’aurais préféré une mise à distance, avec plus d’objets plastiques. Qu’il est difficile d’aborder cette question !

Je devais écrire sur «Un ennemi du peuple» d’Henrik Ibsen, mis en scène par Thomas Ostermeier. Mais de jour en jour, je n’ai pas trouvé utile de me mettre au travail ! J’ai détesté la manière dont Thomas Ostermeier s’est emparé du propos d’Ibsen pour nous faire croire qu’il était sien en manipulant le public lors d’une séquence de théâtre participatif assez pitoyable. Dans le roman d’Ibsen, le docteur qui révèle la bactérie présente dans les eaux des Termes de la ville est accusé de fascisme alors qu’il interpelle ses concitoyens dans un meeting. Lorsque Thomas Ostermeier rallume la salle et nous fait participer, il sait à l’avance que la question du fascisme sera abordée. Par contre, que se serait-il passé s’il avait déplacé le propos : «Que deviendrait Avignon sans le festival si une nouvelle grève des intermittents le menaçait?». Il est fort probable qu’Ostermeier serait descendu de son trône pour préserver ce qui pourrait l’être. «Un ennemi du peuple» démontra une fois de plus la représentation que se fait une certaine caste du système «culturel» : le public est une masse informe au service d’un modèle d’autorité épuisé.


Mais nous avons écrit sur:

Olivier Dubois / Au Festival d'Avignon. Secoué.

Nicolas Stemann / Rupture de contrat avec le Festival d’Avignon.

Roméo Castellucci / Au Festival d’Avignon, incritiquable Romeo Castellucci.

Terne bilan chorégraphique au Festival d’Avignon.

Markus Öhrn / Choc au Festival d’Avignon.

Jérôme Bel / Au Festival d’Avignon, l'art brut de Jérôme Bel.

Sidi Larbi Cherkaoui / Au Festival d'Avignon, les trop jolies «Zimages» de Sidi Larbi Cherkaoui.

Sophie Calle / Au Festival d’Avignon, Sophie Calle: la traversée d’un continent intérieur.

Simon McBurney / Au Festival d'Avignon, la Cour dans tous ses états...

Simon McBurney / Au Festival d’Avignon,“Sympathy for the Devil”...Les Rolling Stones.

Au Festival d’Avignon, l’inquiétante dérive d’un certain théâtre français.

Camille / Ce soir au Festival d’Avignon, la lumineuse Camille.

Steven Cohen / Au Festival d’Avignon, Steven Cohen, vertigineux petit rat des camps…

Régine Chopinot / Au Festival d’Avignon, la triste colonie de vacances de Régine Chopinot.

Mitia Fedodenko / Au Festival d’Avignon, Hamlet, le vrai.

Katia Mitchell / Au Festival d’Avignon, l’ennui comme seule violence.

Lina Saneh et Rabih Mroué / Au Festival d’Avignon, tragique Liban, vital Facebook.

Simon McBurney / Au Festival d’Avignon, l’effondrement.

William Kentridge / Sale temps au Festival d’Avignon.

 

Pascal Bély – Le Tadorne.

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26 juillet 2012 4 26 /07 /juillet /2012 08:39

Le festival est dans sa dernière semaine. La programmation de cette année m'a permis d'y découvrir multiples propositions dans le Off et le IN, où les femmes comédiennes et metteuses en scène se distinguent. Des représentations de caractères où elles sortent des schémas  habituels.

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On plonge dans une grande mer(e), comme celle où Sophie Calle nous a emmenés tout au long de ce festival lors de son exposition à l’Église des Célestins («Rachel, Monique»). Avec elle, nous évoluons dans un espace du beau, au "chœur" d'un monument spirituel, comme pour élever notre regard et notre pensée sur ce qui nous entoure ("Au Festival d’Avignon, Sophie Calle: la traversée d’un continent intérieur")

À la Manufacture, Pauline Sales dans "En travaux", met en scène Hélène Viviès, comédienne engagée jusqu'au bout des ongles. Elle incarne ce rôle avec passion et son plaisir est palpable sur le plateau. Notre cœur bat sous son bleu de travail, et va jusqu'à bleuir nos âmes ("Avignon Off 2012: Les beaux travaux de Pauline Sales et Thierry Baë") .

Dans "Occident", notre monde capitaliste s'oppose aux minorités...La femme  y est sujet, objet, sur lequel l'homme peut se défouler en l'insultant, la méprisant, la frappant encore trop souvent...Stéphanie Marc, inonde la scène de sa présence sensuelle et prend le pouvoir en retournant son mari, fort grossier personnage, en bête implorante. Sur ce plateau exigu, comme un ruisseau de montagne, elle véhicule un courant de paroles calmes et pertinentes, au milieu des failles. De sa fraîcheur, elle glace et noie cet homme pour le réduire en poussières.

Les tourbillons nous propulsent à l'intérieur des terres, dans un milieu artistique "bohème", autour de «Piscine (pas d'eau)». Cécile Auxire-Marmouget, metteuse en scène et comédienne nous invite dans ce groupe de privilégiés à découvrir tous leurs petits jeux amicaux pervers et intéressés. Le vide de la piscine devient réceptacle de fiel, de rancœurs, de jugements...L'envie dévore. Cécile se transforme en comédienne italienne du cinéma néo-réaliste des années soixante. C'est une sorte de "monstre"...Les dents de loups rayent le carrelage. Ses amis bienveillants me font penser à des traders qui calculent en permanence, sans scrupule dans un contexte de crise.

Dans "Bonheur titre provisoire", œuvre théâtrale et picturale d’Alain Timar, Pauline Méreuze nous questionne de ses grands yeux rieurs. Dans sa recherche de l’équilibre, elle exulte entre joie et désespoir. Son énergie l'emporte vers le bas et son nez coule sans fin. Avec l'aide de Paul Camus, elle raccroche petit à petit les pièces du puzzle et, plus sereine, ouvre une boite à outils: l'Utopie.

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Près du bar du in, où tous les noctambules se retrouvent, toutes castes confondues, le fantôme de Françoise Sagan plane sur "Toxique". Un binôme de femmes représente ce corps d'artiste qui a brûlé sa vie dans un plaisir certain. Anne-Sophie Pauchet met en scène Valerie Diome qui compose une Françoise qui, dans sa chambre d'hôpital, nous ouvre sa fenêtre de réflexions de patiente immobilisée. La souffrance physique s'efface à travers les sédatifs, pour laisser libre cours à la douceur de l'accompagnement vocal et musical de Juliette Richard. N’est-ce pas la mère avec sa fille, tellement leur douce complicité est belle à voir ?

La Belgique m'appelle vers le Théâtre des Doms pour "La nostalgie de l'avenir". Avec cette version de «La mouette» de Tchekhov par la metteuse en scène Myriam Saduis, un corps de femmes plane. Leurs silhouettes se dessinent, s'éclairent derrière des panneaux de papier calque. Elles sont une métaphore de sentiments, qui passe de l'ombre à l'explosion, sur un champ de fleurs. Les relations d'amour envahissent la scène, face à sa mère, sa sœur, son compagnon, son art, son égo...Toutes générations, elles apparaissent et disparaissent dans des jeux de plaids qui virevoltent comme les tourbillons de la vie.

C’est ainsi qu’au Festival Off, femmes et hommes sont égaux (enfin quasiment!): c'est tellement bon de les saisir, de les respirer...On en sort imprégné de leur parfum.

Cette liste de femmes n'est qu’une petite introduction, et je remercie tous ces artistes, tous genres confondus.

Je pars mouette, mer, utopie, libre...Heureuse.

Sylvie Lefrere – Le Tadorne

« Rachel, Monique » de Sophie Calle – Église des Célestins.

« La nostalgie de l’avenir, compagnie Défilé. Théâtre des  Doms à 11h.

« Bonheur titre provisoire », Alain Timar, Théâtre des Halles à 16h30

« Piscine (pas d’eau) », compagnie Gazoline, L’entrepôt, 17h30

« En travaux », Pauline Salles, Manufacture, 18h.

« Toxique », compagnie Akté, Théâtre du Centre, 20h30.

« Occident », compagnie In Situ, Théâtre des Halles, 14h.

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21 juillet 2012 6 21 /07 /juillet /2012 15:39

Retour sur deux propositions du Festival Off d’Avignon, l’une de théâtre et l’autre de danse, comme s’il était temps de déconstruire l’imaginaire des représentations.

 

 

La mémoire comme vecteur, les souvenirs se font et se défont, la construction laisse place à la déconstruction. L’humain est un objet en constante mutation. Avec «En travaux», Pauline Sales, metteuse en scène, nous présente une pièce au sujet original. L’arrivée, sur un chantier, d'une jeune travailleuse émigrée, provoque le déroulé d'une rencontre amoureuse. La comédienne, Hélène Viviès, nous offre une interprétation particulièrement dynamique, enveloppée d'un accent biélorusse étonnant. Avec ses cheveux courts et sa posture corporelle engagée, on découvre l'image d'un jeune garçon, avec ses rires et ses réactions frustes du quotidien...Nous sommes tous dupés; spectateurs, employeur...Comme dans le film "Victor Victoria" de Blake Edwards. Autour d'une banale discussion sur des cassettes vidéo, la parole se libère. L'image intime se dévoile. Sous couvert d’ouvrir son bleu de travail, la féminité de l'ouvrière sort de sa chrysalide. Après les humiliations faites à toute jeune recrue, sa résistance lui offre une installation dans un salon, plus confortable, et la présentation de son travail créatif de sculpteur.
Derrière toute personne, homme/ femme, un volet caché peut se déployer. Qui se souvient de l'institutrice algérienne travaillant comme agent d'entretien en crèche, du chirurgien syrien considéré en France comme interne hospitalier, de l'artiste africain devenu maçon??
Paulines Sales déconstruit pièce après pièce les identités de nos deux personnages. Elle interfère dans notre perception de l'individu et nous questionne alors sur la valeur de l'humain. Son écriture est d’une belle mécanique qui permet l’installation des personnages, des émotions où les pistes multiples prennent le temps de se déployer, pour être précipitées dans une fin brutale. Si tout est lisse au début, l'écriture plonge le public dans une spirale dont on connaît sensiblement la fin. La mutation du regard du chef de chantier à l'aspect directif vers une sensibilité nous oblige à changer de vision. Nous nous questionnons presque sur la personne assise à côté de nous: "Sommes-nous si sûr, de bien la connaitre?"
Entrainés dans un élan poétique, cette rencontre nous a troublés. Nous avons quitté la réalité de ce contexte, transformé sous nos yeux, en friche émotionnelle.

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L’enjeu de «Je cherchai dans mes poches» de Thierry Baë est aussi de dépasser le réel pour sortir des codes de représentation. Si Pauline Sales déconstruit, rend le tout à l’état de sable, Thierry Baë est à l’inverse. Sur le plateau, quatre identités. Chacun la sienne. Rien ne les oppose, mais rien ne les rapproche. Telles des comètes, chacun part dans son registre. Le musicien, la danseuse, la comédienne et le chorégraphe, retiré sur le côté du plateau. Ils font ce qu’ils sont, essayant de se rapprocher, pour mieux faire éclater leurs différences. Nous tentons de nous raccrocher à des codes de représentations, des automatismes, mais rien n’y fait. Nous sommes laissés de côté, balancés de droite à gauche et de gauche à droite. Nous  persistons. Nous regardons. Nous observons. Nous commençons, nous aussi, à chercher dans nos poches. Nous y trouvons Marlène Dietrich, Pina Bausch, la musique des films muets, et une émotion émerge. Les tableaux s’enchaînent, les personnalités se déploient, les identités deviennent fortes.

Sabine Macher est d’une élégance folle. Elle est le miroir de nos êtres. Corinne Garcia, la jeunesse incarnée. Benoît Delbecq, le maître de cérémonie, rythmant avec ses notes, le temps qui défile. Et Thierry Baë, se dévoilant à la toute fin, comme pour saluer d’un air de trompette, celui qui "est".

Nous rembobinons la bande. Nous élaborons ce qui nous semblait être un néant. Le tout est subtil, sur le fil.  D’un tas de sable, Thierry Baë construit une maison, une forteresse, où il est bon de se réfugier quand la vague à l’âme se fait sentir.

Sylvie Lefrere – Laurent Bourbousson. Tadornes.

Le regard de Pascal Bély sur "Je cherchais dans mes poches".

 

En travaux, de Pauline Sales - Théâtre de la Manufacture, jusqu’au 27 juillet (relâche le 17 juillet), 18h30

Je cherchai dans mes poches, de Thierry Baë CDC Les Hivernales, jusqu’au 21 juillet (relâche le 15 juillet) 21h30

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26 juin 2012 2 26 /06 /juin /2012 09:43

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À quelques jours du Festival d’Avignon, le courrier s’amoncelle dans ma boîte aux lettres. Des plaquettes, des livrets, des dossiers de presse auquel s’ajoutent les programmes des saisons théâtrales.

Une enveloppe très légère m’intrigue. Elle provient du Théâtre du Merlan à Marseille. Depuis quelques années, je m’inquiète du projet de sa directrice, de ses dérives financières, délocalisant trop souvent sa programmation des quartiers nord vers le tranquille centre-ville. Ce courrier est une feuille A4 mal imprimée, pliée en trois parties, qui présente trois  spectacles pour seule proposition pour l'automne 2012 (danse, cirque, « balades » pour les journées du patrimoine).

Un texte non signé m’informe que rien ne sera dévoilé du reste de la saison 2013 (concept que le Merlan veut faire disparaitre de son vocabulaire). Plus de rencontres pour présenter la saison, mais ce feuillet comme tout lien avec une invitation «à joindre directement le service des relations avec le public».Un texte précise d’ailleurs ses missions comme s’il fallait combler en urgence le vide de contenu artistique.

Ce flyer est très inquiétant, car il corrobore les rumeurs entendues ici ou là sur la situation financière de la Scène Nationale qui n’aurait plus les moyens de proposer une saison. Le spectateur ne sait rien du contexte. La presse locale ne fait toujours pas son travail d’investigation.

En tant que public qualifié de «partenaires» et de «complices», nous serons peut-être sollicités pour faire nous-mêmes le spectacle. Ce sera la nouvelle trouvaille marketing d’une direction à la dérive.

Pascal Bély – Le Tadorne.


Le Merlan sur le Tadorne:

Le Théâtre du Merlan vagabonde et se perd.

A Marseille, le Théâtre du Merlan perd de l’argent par magie et se délocalise.

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11 mars 2012 7 11 /03 /mars /2012 10:09


Mademoiselle se meurt par franceinter

 

Il est 8h55. Sur France Inter, François Morel chronique tous les vendredis. Ce matin, sa poésie tourbillonne autour du préfixe «Mademoiselle». Il regrette la prochaine disparition d'un symbole d’émancipation de la femme…Il évoque Mademoiselle Moreau, Mademoiselle Danièle Darrieu, Mademoiselle Greco…Je divague. J’aurais presque envie de chanter, de danser…Elle apparait…François Morel a oublié Mademoiselle Caroline Blanc dans sa liste. Je ne suis pas certain qu'il l'a connaisse. C’est une danseuse. Je l’ai rencontrée en 2005 alors qu’elle interprétait le chef d’œuvre de Michel KelemenisAphorismes géométriques»).
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Elles étaient quatre sur scène à célébrer la relation si particulière entre danse et musique. Elle m’emportait dans sa partition gestuelle où mon regard s'égarait dans les plis de sa peau, s’échouait sur les rivages de son visage vers une terre chorégraphique qui m’était encore inconnue. Depuis, je ne l’ai jamais perdue de vue. Car Mademoiselle Caroline Blanc a cette présence féminine qu’aucune chorégraphie ne pourra altérer.
En octobre 2011 lors de la soirée d’inauguration de Klap, Maison pour la Danse à Marseille, elle était le fil rouge entre les différentes représentations. Elle s’amusait de son statut, entre clown et personnage de conte de fées. C’était son «échappée belle».  Elle est probablement l’une des rares danseuses à pouvoir jouer un rôle, pour s’en abstraire, sans saturer l’espace de l’imaginaire. Fidèle à Michel Kelemenis, elle a incarné différents personnages pour que la danse s’invite là où l’on ne l’attend pas («Besame Mucho», «L’amoureuse de Monsieur Muscle» «Henriette et Matisse»). Mademoiselle Caroline Blanc est une «émerveilleuse». 
Ce soir, elle nous revient. Toujours à Klap alors que la Maison inaugure son «Channel» sur la plate-forme «Numeridanse.tv». Charles Picq (l’heureux créateur de ce site-carte aux trésors)  et Michel Kelemenis nous proposent "le Pasodoble de Caroline", film de vingt-cinq minutes. Ils nous transmettent la vision de Mademoiselle Caroline Blanc alors qu’elle était l’une des interprètes de «Pasodoble», création de Michel Kelemenis.  Alternance de séquences filmées en 2007 et de confidences cinq ans après, ce film est un écrin: la caméra chorégraphie cette interprète pour en dessiner le portrait. Si la danse est un langage alors la caméra de Charles Picq est sa grammaire. Son corps en mouvement devient cette page où notre désir s’écrit. Ce film est un angle vivifiant pour évoquer l’histoire d’une danse: une «interprétation» de l’interprétation en quelque sorte !
Tandis que l’écran disparaît, apparaissent  sur la magnifique scène de Klap, Mademoiselle Caroline Blanc et Monsieur Michel Kelemenis pour dix minutes (probablement plus) d’un duo coloré. Leur histoire fait  mouvement: allez savoir ce qu’ils ont du se raconter pour prendre autant de plaisir. Entre coups de poing et stratégies de séduction, se lovent la confiance, la peur, leur créativité, leurs recherches. S’ils s’éloignent, c’est pour mieux se rapprocher. S’il l’approche, c’est pour mieux l’effleurer d’un geste qu’elle prolonge vers nous. Alors qu’ils jouent au chat et à la souris, on devine que leur projet est leur pelote! J’observe avec jubilation leur relation créative et leur corps se transformer par la musique de Philippe Fénelon. Entre ces ceux-là, la partition est leur territoire commun pour que la musique puisse s’écouter par le mouvement. À l’heure où les solos se multiplient sur scène en France, je ne saurais encourager ces deux explorateurs à poursuivre leur aventure pour nous mettre dans leur confidanse.
Mademoiselle Caroline Blanc ne sera jamais Madame. C’est la force de la danse que de résister aux pressions qui normalisent nos désirs d'émancipation. 
Pascal Bély – Le Tadorne.
Soirée Numéridanse à Marseille, le jeudi 8 mars 2012 à Klap, Marseille.
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5 mars 2012 1 05 /03 /mars /2012 09:12

À chaque édition, la Scène Nationale de Cavaillon accueille un des spectacles du festival des Hivernales d’Avignon. Mais cette année, d’après la page Facebook de la Scène Nationale, la donne change: «Demain, notre traditionnel RDV avec les Hivernales -> une soirée autour du chorégraphe Saburo Teshigawara. Pas de spectacle, mais 2 films documentaires et un débat sur les politiques culturelles en ces temps d'élections». 
Je m’étonne et répond : «Drôle de rendez-vous quand même! Vous n'avez pas trouvé d'autres chorégraphes pour jouer ce soir-là et pallier l'absence de Saburo Teshigawara (qui, nous dit-on, n'est pas là pour raison budgétaire)?»
La réponse ne se fait pas attendre : «Oui, Saburo Teshigawara n'est pas là pour raison budgétaire. Le spectacle a été annulé très tardivement, car nous avons essayé jusqu'au dernier moment de trouver une solution. Et plutôt que de proposer un "spectacle de remplacement" en urgence, nous avons choisi de présenter quand même le travail de Saburo, qui est aussi vidéaste, sous une autre forme. Et de partager avec nos publics respectifs, au travers de ce cas exemplaire, les difficultés qui sont les nôtres aujourd'hui et d'échanger autour des enjeux culturels pour le moment laissés de côté par la campagne présidentielle.»
Ma réponse: «J'ai l'impression que l'on mélange tout...Je sens le piège:-)(en effet, je m’amuse à faire référence à l’engagement public de Jean-Michel Gremillet, directeur de la Scène, auprès de Jean-Luc Mélenchon)".

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Je décide de ne pas assister à cette soirée. Laurent Bourbousson s’y rend et témoigne :
«Après le très beau film de Saburo Teshigawara «A boy inside a boy», à l’image bien léchée avec un parti pris esthétique dans lequel je n’ai pas tout saisi, le reportage d’Élisabeth Coronel sur le travail de ce chorégraphe japonais, m’éclaire un peu plus sur ses recherches.
Puis, la lumière se fait.  Peu de retour sur ce que l’on vient de voir. Pas de questions de la part de la salle. Après tout, le reportage fait acte pour l’artiste. Une certaine torpeur a envahi le public d’autant plus que certaines respirations entendues durant la projection attestent que plus d’un a sombré…
Les deux programmateurs entament le «débat» sur la politique culturelle autour d’un axe bien connu (l’absence de moyens pour accueillir des artistes de renommées internationales). Que peuvent bien susciter de telles révélations qui prennent les allures d’un mur des lamentations ?
Quel est donc le but de cette soirée ? Est-ce de nous faire partager le travail du chorégraphe ? Si tel est le cas, pourquoi n’y a-t-il pas d'échanges entre spectateurs sur les deux films ? Est-ce réellement le moment et le lieu pour débattre d’une politique culturelle sachant la faible mobilisation des professionnels eux-mêmes le 24 février dernier, devant les Direction Régionales des Affaires Culturelles pour protester contre les coupes budgétaires?"


Ce témoignage corrobore mes craintes du début. Il confirme ce que je pressens depuis si longtemps. Le spectateur n’existe que dans la relation asymétrique avec l’artiste. Vouloir la détourner sur un autre sujet est une prise de pouvoir sur le «sensible» difficilement justifiable. Que deux programmateurs n’aient pas trouvé les moyens de faire venir cet artiste est de leur responsabilité (je n’imagine pas un enseignant stopper son cours et changer la relation pédagogique pour se plaindre des ressources alloués par sa hiérarchie pour enseigner…). Ne fallait-il pas alors entreprendre une autre programmation moins coûteuse? Mais je m’égare…
Croire qu’une plainte publique puisse avoir un quelconque effet sur le cours des choses est d’une naïveté désarmante. Leur exposé plaintif n’est que l'une des résultantes du processus de nomination peu démocratique et transparent de ces programmateurs qui ne permet pas d’y associer le citoyen (qui se trouve être parfois spectateur). Si la culture n’a plus les moyens de ses ambitions, c’est qu’elle est justement aux mains de quelques-uns chargés du bien de tous. Or, une vraie politique culturelle serait précisément de définir un contrat «social» entre artistes, publics et professionnels. Quel candidat à la présidentielle le propose aujourd’hui, en dehors des discours plaintifs et souvent corporatistes?
C’est à nous spectateurs et artistes de refuser tout cadre qui, sous prétexte de débattre, ne fait que renforcer des effets d’estrade vains, manipulateurs, et qui nous isolent un peu plus dans nos cases.
Pascal Bély – Le Tadorne.



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20 novembre 2011 7 20 /11 /novembre /2011 10:15

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Les 13 et 14 septembre 2011, j’ai visité les expositions de la Biennale de Lyon dans le cadre des rencontres professionnelles. L’accueil y était chaleureux et la déambulation plutôt agréable. Deux mois plus tard, j’y accompagne un ami, mais le contexte a changé : de nombreux visiteurs sont venus. Quelques œuvres majeures sont détériorées quand ce n’est pas leur sens qui est détourné. Quelques exemples…

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- Les céramiques de Katinka Bock sont dorénavant protégées par une ligne blanche et un cordon. Cette œuvre, libérée des contraintes d’exposition, puisait sa puissance dans son environnement fragile et sombre. Le visiteur pouvait passer à côté ou s’agenouiller. Deux mois plus tard, plus personne ne semble s’arrêter. Sous prétexte qu'on y marchait dessus, la sécurité impose sa vision, détourne le sens. Tout est verrouillé, sous l’œil d’un agent très pointilleux. Qu’importe la finalité pourvu que l’on préserve.  La Biennale ne devrait-elle pas plutôt recruter un garant du sens?

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- Il n’y a plus personne pour accueillir les spectateurs vers l’installation «Breath» de Samuel Beckett par Daniel Thomas. Cette œuvre théâtrale de quelques secondes nous plonge dans un environnement sonore et visuel saisissant. Mais aujourd’hui, on y entre comme dans un supermarché pour y prendre des photos avec flash. Dans ces conditions, le théâtre n’est plus qu’une attraction.

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-L’œuvre d’Eduardo Basualdo est monumentale. Mystérieuse. L’artiste a désiré que les spectateurs puissent marcher dans l’eau, seule manière d’en ressentir la profondeur. Cela ne semble plus possible. Sécurité oblige?

- L’œuvre de Robert Kusmirowski interpelle. En septembre, de cette forteresse, des livres se consumaient laissant s’échapper une fumée saisissante qui enveloppait les œuvres avoisinantes comme pour les protéger. Mais le personnel et certains artistes se sont plaints. Plus de brouillard. Maintenant, tout est sain. Principe de précaution ?

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- Les œuvres de Michel Huisman sont fragiles. Nous le savions en septembre. Toutes reposent sur une mécanique. Rien d’étonnant à ce qu’elles tombent en panne. Sauf qu’elles ne sont pas réparées. Circulez, il n’y a plus rien à voir. Les organisateurs ont-ils la volonté de recruter un horloger, un artiste-artisan pour réparer et veiller sur ces magnifiques œuvres ?

- L’installation de Diego Bianchi est une métaphore d’un chaos créatif. Un agent d’accueil interpelle un parent : «merci de faire attention à votre enfant, il va abimer l’œuvre». Le père réplique : «À l’entrée, vous m’avez interdit de venir avec une poussette. Il faudrait être clair sur votre position à l’égard des enfants». Dialogue de sourds. La tension monte. La Biennale a-t-elle  intégrée que des adultes étaient aussi parents ?

- L'installation de Sarah Pierce et la vidéo de ZBynek Baladran sont en anglais. Je n’y comprenais rien en septembre. Deux mois après, aucune traduction n’est proposée. Je questionne une nouvelle fois un agent de surveillance sur cette étrangeté. Mais il me réplique avec aplomb : «mais tout le monde parle anglais maintenant". Désolant.

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- Les poules de Laura Lima étaient flamboyantes en septembre. Deux mois après, elles ont perdu quasiment toutes leurs plumes colorées. Je m’en inquiète auprès d’un agent de sécurité : «ben non, en septembre elles étaient comme cela». Je sors mon iPhone pour démontrer le contraire. Peine perdue. Les gens disent n’importent quoi, c’est bien connu…Je réitère mon observation à l’accueil du site de l’Usine Taste. Deux agents trop occupés à communiquer vers l’extérieur font semblant de s’en inquiéter avant de répliquer : «de toute manière, ce n’est pas mon taf de m’occuper des poules».

La commissaire argentine Victoria Noorthoorn se questionnait dans les colonnes des journaux : «comment l’art parle-t-il de la condition humaine et de celle de l’artiste ? Quel pouvoir de transformation a-t-il ? L’utopie y est-elle encore possible?» Nul doute que la marchandisation accrue de l’espace relationnel entre le spectateur et l’artiste lui donne quelques éléments de réponses…

Pascal Bély – Le Tadorne.

La Biennale de Lyon sur le Tadorne:

Extra-terrestre Biennale de Lyon.

Arnaud Laporte de France Culture se moque de La Biennale de Lyon.

La Biennale de Lyon donne le vertige.

Tu n’as rien vu à la Biennale de Lyon…

La Biennale de Lyon, jusqu’au 31 décembre 2011.


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